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Time is always too short for those who need it (ft. Sorcha)

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Sorcha & Niall
Time is always too short for those who need it, but for those who love, it lasts forever


Lundi, ça avait fait une année complète et l’Irlandais n’avait pas pu s’absenter au boulot pour prendre le temps de rester au cimetière comme il l’aurait voulu. Tomas était infernal avec sa grand-mère, les autres attendaient que papa rentre le soir avec Aisling et Roisin pour raconter leur journée en compagnie des grands-parents O’Hara et Niall récupérait ses enfants pour rentrer chez lui. Non sans passer un peu de temps avec Aoife et Fiona qui étaient revenues au pays pour quelques raisons. Des raisons que Niall ignorait. Et ça le frustrait de savoir sa sœur dans le mal… Alors que Glenn ne donnait pas de signe de vie depuis plusieurs semaines. Le mois de juin avait été compliqué, mais celui de juillet s’annonçait doublement compliqué pour la famille O’Hara et cet idiot de Glenn avait tout intérêt à sortir de son tour ou envoyer un hibou à sa femme. Sinon, Niall se ferait une joie de venir l’étriper. Pourtant, ce samedi-là, Niall se réveille encore aux aurores, dans un lit trop grand, trop froid comme c’était le cas depuis trop longtemps. Même s’il avait quelques tickets à gauche à droite à cause de son ancienne carrière de Quidditch, il n’avait jamais accepté, par respect pour Maureen, par respect pour ses enfants qui étaient également touchés par la perte de leur mère. C’était difficile pour tout le monde. Pour Niall qui devait tenir pour supporter la peine de huit petites têtes… Une peine bien différente pour chacun d’entre eux. Mais il devait avancer avec les triplés, turbulents par la perte de leur ancre, avec les faux jumeaux, alors qu’Erin s’était refermée à vivre dans un monde de princesse et Cian qui était silencieux et timide à le coller dès qu’il le pouvait. Siofra, sa toute petite était devenue silencieuse, comme muette, elle ne parlait qu’en allant à l’école pour l’adaptation… Les jumelles, les plus jeunes, étaient en manque d’une affection que Niall ne pouvait leur apporter, il n’était que leur père après tout. Dans cet état d’esprit bien négatif, il a un mal fou à sortir du lit, alors que soit Roisin, soit Aisling se met à pleurer dans le berceau à côté du lit. Les jumelles dormaient encore avec lui, peut-être avait-il peur de la mort subite du nourrisson et de perdre les derniers éclats d’étoiles que Maureen lui avait laissées…

Il est peut-être dix heures et demie quand il laisse enfin les huit petits monstres à ses parents et à Aoife. On était samedi, c’est vrai, mais Niall n’avait pas le cœur à passer la journée avec ses enfants, pas cette semaine. Tout ça avait été dur et sa mère lui avait dit en replaçant une boucle de sa chevelure rebelle. « Prends du temps pour toi. » Ils s’occupaient des petits et même si Niall  sentait comme un vide dans son âme quand il était loin d’eux, il sentait le poids de l’absence de Maureen plus lourdement qu’à l’accoutumée… Tout de noir vêtu, Niall ne s’est autorisé qu’une veste perfecto en fausse peau camel, de toute façon, rare étaient les fois qu’il était bariolé de couleur. Les seules fois avaient été durant les matchs de Quidditch avec Kenmare où il portait la tenue verte représentative de son équipe. Ou alors quand il autorisait Erin à lui passer un foulard multicolore alors qu’ils jouaient à la marchande ou à un jeu quelconque. Il marche une longue heure le long des docks, passant chez la même fleuriste que tous les jours. Chrysanthème, rose blanche et rose, lys et amaryllis, un énorme bouquet qu’il renouvelait presque quotidiennement, mais qui faisait que la tombe de Maureen était toujours fleurit. Toujours même en hiver. Les fleurs à la main, il prend la direction du cimetière. Une ruelle peu fréquentée de Galway et il y transplane instantanément.

L’endroit est calme paisible. Évidemment. Oh ça Niall n’aurait pas accepté de voir le moindre gamin foutre le bordel ici. Ses fleurs à la main, il sait parfaitement où il se dirige, il fait ce trajet tous les jours après avoir déposé les triplés et les faux jumeaux à l’école, après avoir laissé Siofra à sa mère et prit les jumelles avec lui pour aller bosser. Il vient tous les jours ici, et comme chaque jour l’alliance qu’il porte à son annulaire le brule, tout comme l’alliance de Maureen autour de son cou qui le fait se sentir faible. Mais aujourd’hui, il était seul et il pourrait laisser ses épaules tomber un moment. Mari éploré qui ne pensait jamais remontrer la pente. Étrangement, il faisait chaud en ce mois de juillet, mais les boucles joyeuses de Niall se décoiffaient au rythme soutenu de ses pas, jusqu’à la reconnaitre quelques allées plus loin, la tombe de Maureen. Cette maudite tombe, comme cette inestimable tombe… Il aurait préféré la garder avec elle… Mais cet endroit, c’était… Son sanctuaire. Même ses parents ou sa sœur n’avaient jamais tenté de le déranger quand il était avec elle. Jamais. Jetant un coup d’œil autour de lui, l’Irlandais s’autorise à sortir sa baguette pour nettoyer la tombe de feu sa femme, les fleurs mortes, les tâches que cela peut laisser sur le granit gris, il ne le supportait pas. Mais il arrange le nouveau bouquet dans un vase. La gorge sèche et les yeux brûlants, il arrive à articuler quelques paroles compréhensibles uniquement par sa personne, avant de s’asseoir négligemment en tailleur devant la tombe. Il racontait tout et rien, comme s’il lui racontait ses journées sans elle. La vie de leurs enfants, son travail, les difficultés à subvenir aux besoins de tout le monde. La disparition de Glenn, le retour d’Aoife à Galway… Parfois il essuie les larmes sur son visage, parfois il est pris d’un rire nerveux. Mais il ne peut s’empêcher de sourire en l’imaginant assise là à écouter ce qu’il peut dire. Tout ça le rassurait. Mais un bruit dans l’allée lui fait arrêter ses manigances, il devait être onze heures ou bien midi, il ne sait pas trop. Il pouvait passer des heures ici. Pourtant, il se relève, époussetant l‘arrière de son pantalon en mettant ses mains dans les poches. Et quand il se retourne, il se dit qu’il avait bien fait de les mettre dans ses poches, sinon ses bras seraient tombés au sol.

Blonde comme Maureen, les deux billes bleues semblables et les lippes de la même couleur, la même silhouette, la même taille. Il lui faut plusieurs secondes pour arrêter de fixer la femme en face de lui, il lui faut un effort presque surhumain pour ne pas murmurer le prénom de son épouse, car Niall sait parfaitement qui elle est. Et la voix rauque d’une émotion et d’une rage toute particulière, il murmure assez fort. « Sorcha ? » Elle ne pouvait pas être Maureen, même si dans le fond, il l’aurait voulu de toutes ses forces. Dire qu’elle n’avait jamais vu le mari de sa sœur, désormais… C’était chose faite. Et Niall n’avait pas envie de paraitre discourtois, alors il serre les poings dans ses poches. Qu’est-ce quelle foutait là ?

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Les rayons filtrent à travers le tissu blanc, jeu de lumière sur la surface boisée. Un tasse encore fumante posée sur la table, un journal aux images changeantes à moitié entamé. Pas de nourriture. La propriétaire des lieux est peu friande de solide dans la première moitié de la journée. Sa voix se laisse entendre dans le couloir, combiné du téléphone décroché. Sa mère. Même conversation depuis des jours. Elle sait qu’elle veut bien faire mais ses traits ne peuvent s’empêcher de dessiner une moue fatiguée, agacée. Elle n’a pas besoin qu’on lui rappelle ce qu’elle doit faire. Sauf que si. Si, parce qu’elle n’a toujours pas entamé le moindre pas en direction du beau-frère qu’elle ne connaît toujours pas. Pratiquement un an s’est écoulé, silence toujours roi. Mais elle ne parvient pas à sortir de cette peur qu’elle sait justifiée. Justifiée parce qu’elle n’a pas été une soeur exemplaire. Loin de là. Elle ignore ce que Maureen a bien pu dire à son mari. Rien de méchant. Elle était douce Maureen, aimante, jamais elle n’aurait dit quoi que ce soit de désobligeant. Mais il doit certainement avoir une opinion d’elle et du peu que ses parents ont bien voulu admettre, elle est loin d’être stellaire.

Elle tente de mettre court à la conversation, retourner à son café, son journal et s’oublier cinq minutes. Mais sa mère n’en démord pas. « Sorcha, plus le temps passe, plus cela sera difficile. Ecoute ta mère et écris lui. » Pour lui dire quoi? Que peut-elle bien lui dire? Elle ignore tout de lui. Sa soeur n’a que peu parlé de sa vie dans ses lettres. Les lettres, c’était pour elles, manière de se dire qu’elles avaient toujours une place dans le coeur de l’autre malgré la vie qu’elles avaient. Informations élémentaires, voilà toute la connaissance disponible dans son arsenal. Ce qu’elle ne dit pas, c’est ce qui se cache derrière ses questions sans réponses. Honte. Brûlure de l’âme qu’elle ne parvient pas à calmer, douleur qu’elle ne tolère que difficilement. En paix avec Maureen mais sa famille? Une toute autre histoire. Une histoire qu’elle ne sait comment débuter.

Trêve négociée, le silence reprend ses quartiers dans la petite demeure. Mais la tempête fait rage dans sa tête, esprit préoccupé, fatigué. Le thé ne la calme pas, le journal ne la distrait pas. Changer la table de la cuisine pour son petit bureau et ses dossiers n’apporte rien. Regard s’accroche sur la surface lisse du miroir. Elle aurait su quoi faire. Elle savait toujours quoi faire, indéfiniment plus douée avec les autres qu’elle. Elle quitte son reflet, yeux rivés sur les papiers soigneusement étalés. Mais ils ne voient plus, perdus dans une envie qui ne peut être exaucée. Soleil éclaire l’azur, invitation à laisser son intérieur. Elle sait où elle veut aller. Elle veut s’y rendre depuis le début de la semaine mais elle n’a pas osé. Peur de croiser quelqu’un. Envie égoïste d’avoir la solitude pour seule compagne. Envie stupide sans doute mais elle ne peut lutter contre. Si elle va voir Maureen, elle veut y aller seule. Illusion de la sentir près d’elle possible que dans l’absence de regards externes.

Plume lâchée sans grâce sur un document, frustration décrivant la courbe de chute. Esprit rebelle, cœur inquiet. Heure de céder. Elle espère qu’elle a assez attendu, que le chemin sera libre. Juste une heure. Une heure où s’asseoir près d’elle et tenter d’oublier qu’elle est partie, yeux clos. Une heure pour se donner peut-être le courage qu’elle n’a pas et envoyer cette lettre qu’elle a tenté de rédiger maintes fois. Certaines nuits, yeux cernés d’insomnie, elle pense que tout cela ne peut que finir en désastre. Qu’il brûlera la lettre. Qu’il dira à ses parents de la tenir éloignée. Elle n’est qu’un rat de bibliothèque qui ne vit que pour ses livres et ses recherches, que peut-elle bien apporter à une maison aux huit enfants ? Huit. Elle ne survivrait pas une journée, solitaire qu’elle est. Qu’elle croit être dirait Maureen. Elle ne s’est jamais donnée une chance selon elle. Le temps dira qui des deux gagne le débat elle suppose.

Tenue blanche. Elle préfère porter le deuil ainsi. Le blanc, c’est l’absence, le vide, couleurs envolées avec la personne défunte. Un choix peu orthodoxe mais qu’importe. Celle a qui elle rend visite comprend sa philosophie et c’est le seul avis qui peut faire pencher la balance. Sa porte fermée, elle n’a qu’un sac faussement minuscule et un bleuet entre ses doigts. Elle aimait s’en glisser dans les boucles lors des beaux jours, sourire éclatant quand ses yeux enfantins repéraient les petites cloches parmi les herbes. Elle doit quitter le village pour la voir. Apparemment son mari n’a pas pu la faire quitter Galway. L’éloigner de lui. Trop dur, trop déchirant. Choix justifiable et compréhensible. Et elle en est secrètement reconnaissante. Howth, c’est la mémoire vivante. Les souvenirs de sa joie d’enfant. Les histoires que la famille peut se transmettre. Endroit qui restera jamais celui de la Maureen qu’elle a connu, pas celui de l’adulte qu’elle n’a jamais vu.

Tournoiement, ville inconnue. Elle ne connaît que les alentours du cimetière. Et la pièce où elle a vu sa sœur pour la dernière fois, mais elle préfère ne pas y penser. Crissement de cailloux contre les semelles, pas lents. C’est trop tard quand elle s’aperçoit de son erreur. Mauvais calcul, place occupée. Dos inconnu mais pierre familière, la vue n’est pas erronée. Fuite coupée par le mouvement de l’autre. Il sait. Et le monde s’arrête quand il se tourne.

C’est lui. Elle sait que c’est lui. Le mari de Maureen. Expression hantée par les traits qu’elle porte, prénom de sa soeur hurlé dans ses yeux. Pieds enracinés, elle maudit. Sa chance, la sienne et tous les dieux qui se sont donné pour but de croiser leurs routes à cet instant précis, dans ce lieu. Surtout dans ce lieu. Il parvient à prononcer son nom et non celui d’un fantôme. Hochement. Elle a appris à confirmer qu’elle est bien réelle et non une apparition venue se jouer de la personne face à elle. « Niall je présume? » Question stupide. « Je…je ne pensais pas que… » Sa langue flanche, les mots se bousculent, incertains. Raclement de gorge, tentative de retrouver un aplomb qui lui fait cruellement défaut. « J’aurais aimé qu’on se rencontre autrement. » Si un être compatissant existait, elle se ferait foudroyée sur place. Arsenal réduit à des plates phrases qui lui donne envie de se jeter d’une falaise. Elle sert son bleuet, si insignifiant face au magnifique bouquet délicatement posé. Posture hésitante. Elle veut disparaître, besoin brûlant mais elle ne bouge pas. Elle a fui une fois. Il est peut-être temps d’arrêter de visiter Maureen comme une voleuse. « Je voulais simplement…je peux attendre plus loin. Je ne veux pas déranger. Je sais…je sais à quel point on peut avoir besoin d’être seul avec elle. » Elle se rétracte, recule. Elle ne sait même pas ce qu’elle dit. Perdue face à cet homme, cet inconnu qui a tant compté pour sa soeur. Lui qui a bien plus de droits sur cette sépulture qu’elle. Attente. Instant distorsion ou une éternité s’écoule pour savoir si oui ou non elle a le droit de rester.

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Sorcha & Niall
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Foudroyé, c’était le mot, le terme exact. Il était incapable d’esquisser le moindre geste, le moindre mot, comme s’il était devenu muet. Si claquant et tranchant, il n’avait pas l’habitude d’être autant abasourdie et au-delà de la rage et de la haine, il avait envie de la toucher, de passer sa main dans ses cheveux pour voir si elle était bien l’identique double de sa femme. Il voulait tant de choses que la morale aurait réprimées. Mais c’était absent dans sa tête. Les pensées ne se bousculant pas. Les pensées étaient figées dans sa tête, il n’y avait que l’agacement et la rage de la trouver là. Oh, certes, il serait parti à un moment ou un autre. Mais quand ? Personne et surtout pas Niall n’aurait pu le dire. Il se souvient de son érudite épouse qui lui avait raconté que la dynastie des Valois en France portait un deuil blanc. Et à en croire l’étrange tenue de Sorcha, elle portait le deuil de cette façon. Il n’a même pas un sourire en coin en y repensant, se disant qu’il avait dit à Maureen que c’était stupide et derrière eux. Mais finalement ça ne l’était pas tant que ça, puisque cette femme, ce clone, ce double parfait se trouvait là, tout aussi figée que lui à en croire le doute sur ses traits. Doute que Niall connaissait, car il l’avait souvent vu sur le visage de Maureen, Merlin… elles avaient les mêmes expressions et il devait rester là… Respecter cette autre personne qu’elle était. Son cœur loupe un battement alors qu’il claque la langue d’agacement. Il détestait cette impuissante. Il détestait cette situation. Il se détestait. Pourtant à sa question, il perçoit le hochement de sa tête. Ce n’était pas Maureen, c’était bien cette sœur dont il ne connaissait rien, dont il ne connaissait rien si ce n’est les lignes et les lignes de ces lettres qu’il avait retrouvées dans sa maison en quête d’un ultime souvenir de Maureen. Des lettres de cette sœur qui n’était pas là. Maureen lui avait une fois dit qu’elle ne parlait pas d’eux dans ces lettres, ni même des enfants en espérant pousser la curiosité de sa jumelle pour venir les voir. Elle n’était jamais venue et aujourd’hui, c’était trop tard.

« Niall je présume ? » Avait-il simplement besoin de confirmer son identité l’Irlandais. L’alliance à son doigt, l’autre visible autour de son cou. À moins d’être l’amant de Maureen, il ne se serait pas trouvé là. Et Maureen avait tout de la déesse de la fidélité. Elle n’avait jamais aimé personne d’autre que lui, et il n’avait jamais aimé personne d’autre qu’elle. Ce elle qui se retrouvait physiquement face à lui et il était transporté dix-huit ans en arrière quand il avait vu Maureen à Kenmare lors de la présentation de l’équipe de médicomagie sportive. La bouche pâteuse et les yeux incapables de se décrocher d’elle. Il se détestait de poser les yeux sur cette femme et de la regarder. Il se détestait tellement. « Je… je ne pensais pas que… » Elle se perd dans ses mots, elle se perd simplement. Est-ce qu’elle avait simplement redouté leur rencontre comme il la redoutait au point de préférer la détester que de compatir une seconde à sa peine. Niall avait perdu son épouse, elle avait perdu sa sœur jumelle. Une personne sage dirait qu’elle avait perdu plus que lui, un égoïste comme Niall dirait qu’elle n’avait rien perdu du tout puisqu’elle semblait jouer au fantôme depuis le décès de Maureen il y a un an. Mais sa langue était bloquée, incapable de dire le moindre mot sans qu’il ne soit acide et acerbe. Il préférait serrer les poings et attendre de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Pourtant, elle tente une nouvelle fois, une autre tentative, tandis que ses doigts fins se crispent sur la fleur qu’elle tenait. L’unique fleur qu’elle avait apportée. « J’aurais aimé qu’on se rencontre autrement. » J’aurais aimé qu’on ne se rencontre pas, pense-t-il amer et rageur. Mais il ne dit rien se contentant de fermer les yeux pour éviter d’être grossier. Pas ici, pas à côté d’elle. Pas envers cette personne que Maureen avait tant choyée même si elle était à des milliers de kilomètres d’elle.

Mais elle ne bougeait pas, alors qu’il ne savait pas quoi répondre. Absolument rien ne lui venait en tête. Rien. Il était la coquille vide qu’il était depuis un an. Et se retrouver face à cette copie ne faisait que rouvrir une plaie béante dans sa poitrine. Luttant contre sa haine et son envie de s’approcher d’elle. « Je voulais simplement… je peux attendre plus loin. Je ne veux pas déranger. Je sais… je sais à quel point on peut avoir besoin d’être seul avec elle. » Niall roule des yeux avant de les reposer sur elle, alors qu’elle fait un pas en arrière, sans doute peureuse face à cet ours protecteur qu’il était. Lui ses boucles en pagailles et sa barbe de trois jours rasée comme il le pouvait avec un bébé dans les bras et les autres qui lui tournaient autour. Pourtant, il claque une nouvelle fois la langue impatient et désemparé de ne savoir que dire en tapant du pied un bon coup avant d’ajouter. « Elle aimait les bleuets. » C’est tout ce qu’il trouve à dire en regardant la fleur qu’elle tenait entre ses doigts. « Alors… Plutôt que de t’acharner après cette p’vre fleur, dépose là avec le bouquet. » Un semi-ordre, mais la voix traînante et serrée de Niall était le parfait exemple de son incapacité à dire quelque chose de censé. « J’aurais pas d’esclandre ici. » Avoue-t-il. Comme pour la préparer à l’inévitable. Ils venaient de se croiser, elle avait entamé une discussion, elle avait pensé à ce qu’il se rencontre. « Si tu pensais me rencontrer un jour, c’est fait et je comptes pas te lâcher avant d’avoir à dire ce que j’ai à dire. » Il était froid et l’amertume se ressentait dans le timbre de sa voix. « Et ça risque d’être long. » Parce qu’il avait trop de reproches pour elle, trop de colère en lui, son deuil n’arrivant pas à dépasser ce stade de la colère. Mais était-il juste en colère contre elle et véritablement contre elle, ou alors était-ce juste la colère due au décès de Maureen ? Cette colère qui le faisait hurler qu’elle n’avait pas le droit de le laisser, qu’elle ne pouvait pas partir. « J’attendrais devant… Reste le temps qui te faudra, je… je suis pas possessif. » Parce qu’il pouvait comprendre qu’elle aussi avait besoin de tourner la page, d’oublier la douleur. Alors, il avance en direction, le seul chemin pour rejoindre l’entrée du cimetière, passant à ses côtés, juste assez pour sentir son parfum et hocher la tête pour se flageller mentalement. Ce n’était pas Maureen. Non, ce n’était pas Maureen, même si elle avait tout d’elle.

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Temps suspendu, elle détaille celui qu’elle n’a jamais vu. Un visage vaguement familier, mais elle ignore bien d’où cela peut bien prendre source. Sensation de le connaître ne serait-ce qu’un peu via Maureen peut-être. Sombre, vêtements en contraste avec les siens. Opposés. Cela veut tout dire. Chacun dans une extrémité. Elle le blanc, l’enfance, l’absence. Lui le noir, la maturité, le soutien quotidien. Rien dans le tableau ne peut les assembler, si ce n’est Maureen. Un point commun qui, elle doute, la placera sous une lumière favorable. Ne serait-ce que par son visage. Cruauté certaine pour ce mari de revoir l’image exacte de son épouse chez une autre. Car elle n’est pas Maureen et elle ne le sera jamais. Et les yeux clos devant son discours hésitant et fort peu éloquent ne fait que souligner ce fait. Il n’est pas celle qu’il veut voir. Elle doute même qu’il n’ait jamais voulu rencontrer cette soeur qui de tout point de vue avait abandonné celle qu’il avait tant aimé. Celle qu’il aime tant.

Une voix autre que la sienne finit cependant par se faire entendre. Phrase simple, phrase qui contient bien moins d’agressivité que ce qu’elle craignait. « Elle aimait les bleuets » Un fin sourire. Nostalgique, à la courbe triste mais affectueuse. Regard porté sur la petite fleur sans prétention. Elle la revoie, penchée sur l’herbe, mains délicates autour des tiges, évaluant laquelle elle devrait emporter avec elle. Une seule. Règle maternelle après avoir tapissé la maison de pétales. Un sourire qui quitte rapidement ses lèvres, voix aux nombreux paradoxes la tirant sans ménagement hors de l’allée aux souvenirs. « Alors…plutôt que de t’acharner après cette p’vre fleur, dépose là avec le bouquet. »  Elle ne veut pas mêler son bleuet au bouquet. Elle ne veut pas mélanger ce qui est à lui et ce qui est à elle. Phrase à l’effet inverse, doigts fléchissent, refus de s’exécuter. Elle pourrait lui expliquer. Lui dire qu’elle préfère poser la fleur au-dessus de la sombre, offrande qui se fera emporter par le vent avec le temps. Lui avouer qu’elle aime penser que c’est l’esprit de sa soeur qui vient jouer avec la fleur. Lui expliquer l’histoire derrière son simple bleuet, lui donner un morceau d’une Maureen qu’il n’a pas forcément connu mais rien ne vient. Quelque chose la freine. Peut-être son regard sombre, aux nuages menaçants malgré le ciel d’été au-dessus d’eux. Peut-être sa claire envie de la voir disparaître. Pour toujours assurément. Honnête envie, égoïste envie, d’écouter sa requête silencieuse et s’évaporer comme le mauvais rêve qu’elle doit être.

« J’aurais pas d’esclandre ici. » Et elle remercie tout ce qui existe pour cela. Elle ne veut pas que ce lieu soit d’une quelconque façon perturbé. Ici, c’est terre sacrée, terre intouchable. Mutisme persistant, regard voilé, elle hoche mécaniquement la tête. Que faire d’autre? Le remercier de ne pas lui infliger la douleur supplémentaire de la virer physiquement de l’endroit où repose sa jumelle? Air soudainement froid, un froid indépendant de la température. Elle sait que la suite ne va pas être en sa faveur. Elle est l’ennemie, celle qui envahie, celle qui n’aurait jamais dû se trouver. « Si tu pensais me rencontrer un jour, c’est fait et je comptes pas te lâcher avant d’avoir ce que j’ai à dire. » Air résolu, vengeur et quelque peu terrifiant. Le dernier grain tombe, sablier vide. Heure de payer l’addition, silence vieux d’un an venu réclamer son dû. Et il ne vient pas le seul, menace claire et sans échappatoire d’une longue et douloureuse conversation. Gorge sèche. Un pitoyable je ne voulais pas déranger lutte pour sortir mais rien ne se passe.  

Interdite, elle le laisse s’éclipser, pieds toujours fusionnés au sol. Regard toujours vers l’avant, départ laissé sans surveillance. Déstabilisée, elle oublie de vérifier qu’elle est effectivement seule, gestes automatiques. Des pas. Une caresse au nom gravé sur la sépulture. Fleur posée comme à son habitude. Assisse dos contre la pierre froide, de côté, jamais sur son nom, soin de ne pas déranger d’un grain de poussière le bouquet déjà présent. Un souffle. Puis deux. Doigts jouent avec les lignes qu’elle seule connaît, bien dissimulées à la base, frôlant doucement la terre. Manie si ancienne, manie perpétuée. Personne ne viendra déranger cette tombe. Jamais. Pulsation de magie affirme doucement sous ses doigts, runes familières chuchotent, réconfortantes contre sa peau. Elle ignore la légalité de ce qu’elle a fait cette nuit-là, où la rage avait parlé, où ses larmes n’avait pas troublé sa vue, détermination d’assurer que Maureen est et restera en paix. Et sous ce chant qu’elle seule peut entendre, elle ferme les yeux, abandon de la frêle armure qu’elle a réussi à porter devant le beau-frère inconnu. « Quelle idiote…quelle idiote. » Rien ne s’est passé comme prévu. Rien. Incapable de dire le moindre mot sur ce qui importe réellement, perdue et ridicule devant la colère sourde et froide d’un homme dont elle ignore tout par sa propre bêtise, son propre égoïsme. Un souffle caresse sa nuque, arrêtant ses pensées, fantôme du réconfort qu’elle aurait trouvé auprès d’elle et une larme s’échappe. Rescapée de toutes celles qu’elle a avalé cette semaine. Elle lui manque tant. Elle aurait tant besoin de ses conseils.

Elle ignore combien de temps elle reste là, un seul souhait prenant toute la place. Un souhait que rien ne pourra exaucer. Elle finit par se lever, azur mate, où la tristesse semble reine éternelle. Dernière caresse au nom tant regretté, un je t’aime chuchoté au vent, pas lourds et dépourvus du moindre entrain vers son destin. Il n’a pas menti, silhouette plantée fermement au portail. Résignation. Reprise du tableau de départ, blanc contre noir. Regard difficilement soutenable mais elle accuse le choc. Le premier de toute une série. « Ma visite est terminée. » Tu peux commencer dans le sous-texte mais elle n’ose pas le dire de manière aussi effrontée. Elle ne sait quoi dire d’autre.

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Sorcha & Niall
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Elle était là, cette femme. Ce double et il ne savait pas comment réagir, quoi dire, quoi reproché. Comme si à sa vue, tout ce qu’il avait pu penser d’elle s’était évaporé. Pas qu’il lui pardonne, mais elle représentait sa plus grande faiblesse et il se sentait interdit face à elle. Autant qu’elle se sentait gênée à en croire ses traits. Était-il devenu effrayant d’être triste et aigri ? Les mains dans les poches, il se retourne au bout de l’allée, la voyant elle et ses gestes tendres face à cette pierre. Comme si Maureen était là. Il râle un bon coup avant de se remettre en route, de sortir de là, de ne plus l’avoir dans son champ de vision, car c’était à la fois satisfaisant et insupportable. C’était… Il avait l’impression que ce n’était pas humain, que c’était une épreuve qu’il ne pourrait pas passer sans aide. Niall râlait des jurons, des mots assassins… Pour elle, pour Glenn qui avait disparu, mais surtout pour lui. Se maudissant comme personne n’aurait jamais idée de le maudire ! Il avait laissé sa voiture devant chez ses parents après y avoir emmené les petits et transplané ici. Il ne pouvait même pas s’y réfugier pour souffler, expier ses péchés. L’Irlandais avait bien trop d’honneur pour se défiler et ne pas dire ce qu’il avait à dire à cette femme. Ce portrait. Il n’aurait sans doute jamais été prêt si le hasard ou le destin, où qu’importe comment on appelle cette chose, ne la pousse juste sous ses yeux. Il se sentait mal, l’air qu’il inspirait était brûlant d’une terreur et d’une rage qu’il avait si longtemps contenues qu’il avait peur de la briser, de la voir disparaitre. Pas qu’elle comptait pour lui à cet instant, mais elle était la preuve vivante que Maureen existait encore en ce bas monde. Oh ce n’était pas ce qu’il devait dire. Elle était une personne, de chair et de sang, avec sa personnalité et ses émotions, mais Niall était bien trop atteint pour faire la différence. Trop atteint encore pour guérir.

Il avait cette envie de la pousser dans la tombe, mais également de la serrer contre lui juste pour sentir de nouveau son parfum, le même que sa sœur. Pour entendre sa voix qui avait une octave de plus ou de moins que celle de Maureen, mais qui ressemblait en tout point à sa sœur. Niall n’était qu’un homme, un faible et un émotif personnage qui s’était réfugié de ses émotions grâce à un masque de bourreau du travail, un masque où il était également un père de famille surchargé qui n’avait pas de temps pour lui, mais qui vivait pour ses enfants en tentant de joindre les deux bouts. Il se levait le matin sans grandes convictions, mais tenait pour ses enfants, uniquement pour eux et il serait toujours là pour eux. Après tout, Tomas, Bran, Doran, Erin, Cian, Siofra, Aisling et Roisin n’avaient plus que lui. Et il fallait qu’il reste debout, juste pour eux. Lui ce n’était pas vraiment grave quand il y pensait. Sa tête vient se poser contre la pierre du mur où il s’était adossé, un pied contre le mur, les mains dans les poches. Il les en sort juste pour prendre le paquet de cigarettes dans la poche de son perfecto et en porter une à sa bouche. Mauvaise manie que Maureen avait toujours tenté de supprimer. Mais s’il fumait à l’extérieur, il fumait de plus en plus depuis qu’elle était partie. Alors là, le tabac dénoue sa gorge en quelque sorte, laissant l’air habiter ses poumons, sans pour autant rendre ses idées claires. Il ne savait pas par où commencer. Pas quoi lui reprocher. Il la voulait près de lui comme une bouffée de nicotine, sans la connaître, sans rien savoir sur elle, mais elle était juste son double et ça l’apaisait autant que cela le renfermait un peu plus.

Il tire une nouvelle latte quand il entend enfin. « Ma visite est terminée. » Elle était là, la blanche colombe aux cheveux de blés, alors qu’il devait faire pâle figure le corbeau de malheur qu’il représentait. Sans dire quoi que ce soit, il tourne la tête dans la direction opposée de la sienne pour expirer la fumée qui tuait ses poumons jetant la clope à moitié consumée sur le sol pour l’écraser et la faire disparaitre d’un coup de baguette. Non, sans prendre son temps et la détailler à nouveau. C’était un fantôme, il ne lui trouvait absolument rien de différent face à Maureen. Elle était sa copie conforme et ça le rongeait de devoir être si… si amer face à elle, car il a cette sensation de détester l’unique femme de sa vie, la seule qui lui avait tapé dans l’œil et la seule pour qui il s’était battu. Celle dont il honorait la mémoire. Il ferme les yeux, non sans laisser un fait chier, passer l’espace de ses lèvres et de passer une main sur son visage pour se donner un peu de prestance. « Y fallut que ça soit maintenant que tu te décides à foutre les pieds dans ma vie ? » C’était un véritable reproche. « Y a vraiment fallu que t’attendes qu’elle s’en aille pour venir la voir ? Fin venir la voir… » Il claque la langue contre son palais laissant un rire rauque s’échapper de sa gorge. « Tu l’aimais si peu pour pas venir à son enterrement. » Sans qu’il ne sache qu’elle était là. Les Howell ne lui avaient jamais qui que Sorcha était là, pas depuis une année. Sachant parfaitement qu’en ours qu’il était, Niall aurait refusé catégoriquement de la voir. Qu’il l’aurait rejeté ! Et il laisse le silence s’installer. « Elle t’a jamais parlé de nous, ou peu dans ses lettres, parce que putin, elle attendait que tu viennes te faire une idée de sa vie. Et t’as jamais bougé ton petit cul de princesse pour venir ne serait-ce qu’un week-end. C’vrai qu’un portoloin c’est difficile à obtenir hm ? » Il était ronchon, mais pas une once de haine dans son regard, juste de la tristesse. Mais il savait que rendre visite à sa famille n’était pas compliqué ou alors Niall était trop famille pour changer de ville et vivre ailleurs qu’à Galway. « À chaque fois, elle désespérait de t’voir venir, à la maison, à la maternité, n’importe où. » Même si, Maureen savait mieux que Niall ce besoin d’indépendance qu’avait sa sœur.

Il lève une nouvelle fois les yeux au ciel soupirant. « T’es qu’une putin d’égoïste qui l’a laissé pendant dix ans, alors qu’elle avait besoin de quelqu’un après sa première fausse couche. T’sais pas toi ce que ça lui a fait d’être sans personne, sans personne pour la comprendre ! Non, le travail, c’est tout ce qui semble t’importer, c’est ce que j’ai compris quand elle parlait de toi. Du peu qu’elle en parlait avant qu’elle soit triste. » Il la tutoyait, un égard, pas une marque de respect, mais il ne se voyait pas lui parler autrement parce qu’il avait été avec Mauren pendant plus de seize ans. Sa gorge était sèche. Quand il reprend. « Je sais pas ce que tu veux, mais nos… mes enfants, ni moi, ni ma famille n’ont besoin de toi. » Même si les parents de Maureen ont sans doute déjà dû lui parler des difficultés financières, même si elle devait voir les cernes marqués sous ses yeux à cause de ses petites nuits pour gérer une troupe comme la sienne. « Peut-être que j’étais pas le mari parfait, mais moi, j’étais là. » Jusqu’au bout.

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Fumée s’échappe, cigarette jetée mais parfum de nicotine aussi amer que la conversation qui va suivre. Tout en lui crie l’agacement, le braquage, sensation d’agresser cet homme par sa simple présence. Un sentiment qui serait confirmé si elle posait la question. Mais elle n’a jamais été de celles qui posent des questions superflues, sa gestuelle suffit à confirmer ses soupçons. Les premiers mots également. « Je n’ai jamais eu l’intention de débarquer de la sorte. Surtout ici. Je suis… » Ses mots meurent avant de franchir ses lèvres au rouge trompeur, pâleur masquée au mieux derrière son impeccable façade. Pente glissante, pente inévitable. Il ne tourne pas autour, déterminé à lâcher ce qui lui pèse et terminer la conversation, la rencontre. Terminer avec elle et souhaiter de ne plus jamais la croiser. Elle ignore à quel point il souhaite la blesser mais elle n’a aucun doute qu’elle n’en sortira pas indemne. Crainte très justifiée et rapidement vérifiable. « Tu l’aimais si peu pour pas venir à son enterrement? » Un pas vacillant. Elle recule sous l’impact, mots à la précision assassine d’un sort d’attaque. L’air semble se figer l’espace d’un instant, temps suspendu, noyée dans les émotions. Il ne sait pas. Il n’est pas au courant de sa visite à la veillée et ses parents ne lui ont jamais avoué. Silence jugé plus prudent, volonté de lui éviter une chose de plus à gérer. Il ne sait rien d’elle, de sa relation avec Maureen, c’est la peine qui parle. Raison chuchote frénétique pour qu’elle ne perde pas pied et s’emporte, s’insurge, laisse carte blanche à la soudaine rage qui s’enflamme dans ses entrailles. Mais l’éclat brille dans ses pupilles, feu glacé refusant de se cacher. Personne n’a le droit de se mêler de sa relation avec Maureen. Personne. Elle reste cependant figée, trop secouée à cet instant pour tenter de sortir de ce mutisme qui semble la posséder en sa présence. Yeux, seules fenêtres du trop plein qu’elle tente de garder en laisse pour ne pas détruire son unique chance d’un début de pourparler.

Il ne s’arrête pas là. Evidemment. Mots retenus depuis l’enterrement sans doute, ils sortent un à un, dévoilant le portrait d’une Sorcha qu’il croit deviner, qu’il croit avoir percé à travers les maigres indices à sa disposition. Image peu flatteuse, caricature de la princesse des glaces avec laquelle elle vit depuis des années. Dans d’autres circonstances, son empathie aurait pris le dessus, stoïque, acceptant sans broncher les mots d’un homme qui se noie dans son chagrin et qui cherche désespérément un réceptacle où cracher le trop plein de rage, d’injustice, de désespoir. Regard où la haine est absente, où elle ne peut lire qu’une tristesse aussi dévastatrice que celle qui l’habite. Mais il a touché aux lettres. Des lettres qui n’étaient destinées qu’à Maureen. Il a regardé ce qui étaient d’elles et d’elles seules. Douleur rauque où son deuil hurle, rappelé à la barre par une action en apparence anodine mais qu’elle trouve à cet instant comme terriblement intrusive. « Vous ne savez rien. » Murmure acide, incontrôlé. Vouvoiement comme barrière entre eux, distance dont elle a désespérément besoin. Conversation trop lourde, trop douloureuse, trop proche de ce coeur qu’elle a toujours eu grand soin de protéger dans sa tour d’ivoire. Eclat humide, elle tient d’une main de fer les sentiments qui noient ses pupilles. Elle ne lui donnera pas la satisfaction de contempler ses larmes. Pas en écorchant de la sorte son coeur déjà meurtri par le chagrin.

La communication n’a jamais été leur fort une fois l’enfance envolée. Une sorte d’incompréhension fondamentale flottait entre elles. A tant vouloir devenir des êtres uniques, elles ont perdu la complicité d’autrefois. Lettres, miroir du phénomène où les échanges n’étaient que superficiels, peu riches en détail. Une manière de tromper le manque pour Sorcha, ignorance un baume qui lui permettait d’oublier ce qu’elle a laissé derrière. Maureen savait donc Maureen taisait. Taisait les douleurs, les épreuves, les tourments. Et Sorcha a envie de remonter le temps et secouer sa soeur, lui dire d’exiger une visite plutôt que de l’insinuer, être claire dans son envie de la voir. Puis de gifler sa version plus jeune, lui dire d’arrêter de penser que plus personne n’a besoin d’elle et mettre la main sur un stupide portoloin. Mais il est trop tard comme souligne si bien Niall. Bien trop tard. Sa soeur est partie. Elle veut croire qu’elle s’est envolée en sachant qu’elle l’aimait. Qu’elle a compris toutes ces runes en bordure de page, qu’elle a souri en recevant les petits talismans pour chacun de ses enfants. Qu’elle a su voir au-delà des mots. Croyance qui l’empêche de sombrer dans le puits sombre de la culpabilité.

Elle regarde cet homme aux mots durs et au regard brisé. Compassion et haine se mélangent, potion à l’odeur brûlante. Compassion pour son enfer, haine pour les vérités qu’il lui jette au visage. Vérités incomplètes, difformes, mais pas moins douloureuses. Et elle en a soudainement assez. Assez de se taire, assez de contenir les chocs dans un mur de silence. « J’accepte votre colère. J’accepte votre rancoeur. Mais ne vous avisez jamais de douter de mon amour pour Maureen. Jamais. » Les mots sortent enfin, cassants, bien plus que ce qu’on pourrait s’attendre en la regardant, dame blanche au regard glacé de colère. « Vous ne me connaissez pas. Je ne vous demande pas de le faire. Mais les jugements n’ont pas leur place quand on ignore les deux versions de l’histoire. Je connais la solitude. Je connais le fait de ne pas être comprise. Qui êtes-vous pour juger l’intégralité de mon existence en vous basant sur des lettres qui ne vous étaient pas destinées? Des lettres qu’une seule personne peut comprendre? » Le pauvre masque qu’elle a construit à la hâte s’effrite. Elle s’emporte. Emotions trop fortes. Fureur. Douleur. Culpabilité. Fatigue d’être peinte avec le même pinceau, encore et encore. Indigne. Egoïste. Sans le moindre égard pour sa jumelle.

Tempête qui n’éclate pas. Paupières soudainement closes, elle laisse la vague passer sur elle. Soupir las. A quoi bon? Elle aura beau se débattre, tenter de justifier ses actes, les choses resteront les mêmes. Faits gravés dans le marbre du temps, immuables. « Je sais pas ce que tu veux, mais nos… mes enfants, ni moi, ni ma famille n’ont besoin de toi. » Sentence tombe. Son rôle est défini devant elle par ce refus de sa présence, ce refus de la voir approcher ce qui était le coeur de Maureen. Elle n’est pas surprise. Ses parents ont été clairs dès le départ, hostilité prévue et assimilée depuis longtemps. « Je ne recherche pas le conflit. Je veux simplement… » Mais elle n’arrive pas à le dire. Gâchis, toute cette conversation n’est qu’un immense gâchis. Elle espère que Maureen lui pardonne ces premiers pas forts hésitants et peu adroits. Regard azur se fixe sur regard sombre. « Vous avez raison, j’étais absente. Je ne le nierai pas. Mais je ne compte pas repartir comme une petite fille effrayée parce que vous refusez de me voir comme autre chose qu’un monstre. » Détermination à chaque mot. « Je l’ai abandonné une fois Monsieur O’Hara. Pas deux. » Et tout en elle hurle au défi l’espace d’instant. Qu’il essaie. Qu’il essaie seulement.    

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Sorcha & Niall
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Presque comme un temple, cette maison à deux étages était restée tel que Maureen l’avait laissé lors de son départ à la maternité pour mettre au monde Aisling et Roisin. Niall n’avait rien touché. Absolument rien. Même son manteau était resté pendu dans l’entrée à la même place. Parce que toucher à quoi que ce soit lui demandait un effort, un sacrifice presque insurmontable. C’était se rappeler qu’elle n’était plus là pour enfiler un vêtement, qu’elle n’était plus là pour remettre ses clés sur le meuble de l’entrée en râlant qu’il ne rangeait jamais rien correctement. Mais cette maison, il la tenait même si ça devait lui prendre des heures. Avec ou sans magie, Niall honorait tous les sacrifices de son épouse. Et cette femme en face de lui ne semblait avoir fait aucun sacrifice pour venir voir Maureen de son vivant. Elle ne semblait pas s’être souciée un moment de ce qu’elle avait pu vivre. Les lettres ? Niall ne les lisait pas à réception, mais il voyait sa blonde les écrire. Il lui demandait parfois ce qu’elle disait d’eux. Mais souvent, elle répondait qu’elle ne disait pas grand-chose. Parfois, elle recevait des petites pierres, Niall n’y comprenait rien, mais les accrochait de bonne grâce dans les ciels de lit des enfants ou bien à l’endroit où Maureen lui disait de les mettre. Alors peut-être qu’elle ne voulait pas débarquer dans sa vie de la sorte, mais c’était fait et ni l’un, ni l’autre ne pourrait revenir en arrière. C’était comme ça. Évidemment quand il lui reproche de ne pas être venu il y a un an, il capte bien ce pas en arrière, comme pour se protéger de ses mots. Mais c’était la vérité. Il ne l’avait pas vu et il n’aurait simplement pu la voir, ni croiser son regard. Il était le mari éploré à l’époque, impossible de tenir plus de quelques minutes si ce n’était pour le bienêtre de ses petits. Mais dans le regard de cette fille, c’est juste la rage qui bouillonne. Elle était responsable de sa propre tristesse, alors de quoi pouvait-elle bien être en colère ? La vérité faisait-elle si mal ?

Niall s’en foutait. Tout ce qui pouvait l’atteindre était un poids qu’il n’avait plus à porter sur ses épaules. Et pourtant, acide, elle murmure. « Vous ne savez rien. » Quand il parle des lettres et l’Irlandais a juste un sourire narquois. Lui ne savoir rien ? Oui, il avait épluché quelques lettres de cette correspondance dans l’espoir d’y retrouver un peu de Maureen, dans l’espoir de se raccrocher à cette femme qu’il aimait et en avait découvert une autre qu’il ne connaissait pas parfaitement. Pourtant, c’est vrai, il ne savait rien, il n’avait pas de jumeaux, mais il voyait les relations entre ses enfants. Et c’était déjà mieux comprendre les lettres par moment en voyant la complicité entre Erin et Cian. « J’accepte votre colère. J’accepte votre rancœur. Mais ne vous avisez jamais de douter de mon amour pour Maureen. Jamais. » Il hausse un sourcil en la regardant. « Sinon quoi ? » Provocateur dans l’âme, sportif et aimant le goût du défi. Il n’a aucune pudeur à lui demander ce qu’elle ferait si jamais il en doutait. Car c’était bien ce qu’il faisait. Il doutait de cette femme, qu’elle accepte ou pas ce qu’il dise, ça lui était bien égal. Il avait juste besoin de le dire. « Vous ne me connaissez pas. (…) Qui êtes-vous pour juger l’intégralité de mon existence en vous basant sur des lettres qui ne vous étaient pas destinées ? Des lettres qu’une seule personne peut comprendre ? » Et il la regarde de haut en bas. Qui il était ? Le mari de la personne qui lui avait un jour ressemblé comme deux gouttes d’eau. La personne qui avait relu tout ce que Maureen gardait à défaut de pouvoir poser ses yeux bruns sur une photo d’elle ou de l’entendre parler sur un enregistrement audio. Pourtant, elle soupire, comme si la partie était finie. Mais il n’avait pas véritablement fini. Non, il ne voulait pas d’elle dans sa vie, dans la vie de ses enfants. Il ne voulait plus la voir.

« Je ne recherche pas le conflit. Je veux simplement… »
Simplement quoi ? Aider ? Non merci, il n’avait pas besoin de la charité d’une personne qui se sentait coupable de n’avoir rien fait avant. Il n’en était pas au point où il allait demander de l’aide à gauche et à droite. Pas au point où il devrait prendre dans les économies de ses enfants pour survivre avec eux. Elle était si lumineuse et déterminée là où il n’était que ténèbres et tristesse, résignation et obligation. « Vous avez raison, j’étais absente. Je ne le nierai pas. Mais je ne compte pas repartir comme une petite fille effrayée parce que vous refusez de me voir comme autre chose qu’un monstre. » Le bouclé n’a même pas la force de lui répondre qu’il perd sa main dans sa poche pour sortir une nouvelle cigarette et l’allumer. Non, il ne la voyait pas comme un monstre, mais comme une étrangère, une étrangère qui ferait du mal à ses enfants avant de lui faire vraiment du mal. « Je l’ai abandonné une fois, Monsieur O’Hara. Pas deux. » Il ferme les yeux en l’écoutant, tirant sur la cigarette, il entendait encore Maureen lui dire que c’était mauvais pour lui et sa santé. Quand il lâche entre deux bouffées de nicotine salvatrice. « Niall. Monsieur O’Hara, c’est mon père. » Et jamais il ne s’était amusé à ce qu’on l’appelle Monsieur O’Hara. Niall ou O’Hara. C’était tout. Elle voulait mettre de la distance entre eux et ne pas l’appeler par son prénom fort bien. Si ça lui chantait. « Mais une chose, on abandonne pas ce qu’on ne connait pas. Tu as au moins vu une fois le visage des gamins ? Tu sais me dire comment ils s’appellent. Les huit. » Mesquin et mauvais. « Leur date de naissance, la date de mon mariage avec Maureen, des choses qui lui tenaient à cœur. Qu’est-ce que tu penses pouvoir foutre dans le monde de Maureen si tu n’y connais rien. Hein ? Tu sais seulement ce que ça va faire aux enfants ? » Le père parle et la regarde sérieusement. « Siofra est devenue presque muette depuis sa mort. Cian suit le même chemin, les triplés sont des monstres en quête de repaire. Erin voit sa mère dans chaque princesse de dessins animés moldues si peu qu’elle soit blonde. Et les jumelles… Merlin. Tu ne sais même pas un instant ce que ton visage, ce que cette similarité va provoquer dans le cœur de mes enfants. Tu veux quoi ? Leur donner de l’espoir ? Jouer à la mère. Parce que laisse-moi te dire une chose Sorcha. Si tu tentes ta chance et que tu arrives ne serait-ce qu’à avoir un de mes gamins dans les pattes. Il ne dira pas Tata, mais Maman. Quel rôle tu penses pouvoir jouer ? Devenir le fantôme de Maureen pour huit petits ? T’es seulement capable de comprendre que ça va les détruire ? » Lui il avait peur pour eux. « Moi encore ? Moi qu’est-ce que ça peut me faire ? Rien, ça on s’en fou. Moi c’est le cadet du problème. » Catégorique, il n’était rien face à la vie de ses petites têtes, face à la santé de sa chair et de son sang. C’était ce qui comptait le plus. Et il devient catégorique, sérieux. « Qu’est-ce que tu peux leur apporter si ce n’est un pansement qui sera plus dur à retirer quand ils comprendront que tu n’es pas elle ? » À chaque mot, il s’était approché d’elle. Désormais trop proche pour ne pas sentir son parfum et comprendre qu’elle avait la même fragilité que Maureen dans le fond. « T’es peut-être pas un monstre comme tu dis. Mais ils ne sont pas prêts. » Il la regarde dans les yeux. « Je ne suis pas prêt. »


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Deux îles se faisant face. Bataille de volontés où ils semblent incapables de trouver le moyen de communiquer. Il ne la croit pas. Elle le lit dans son regard, dans son sourire où la moquerie règne, doute aussi clair que le ciel d’été. Et ça la ronge. Maureen, c’était sa constante, l’ancre, la boussole qui lui indiquait comment rentrer. Tout le monde semble l’avoir oublié. Son deuil, elle semble devoir le vivre dans le silence, dans la clandestinité. Une situation construite en partie par ses mains, aveuglée par tant de choses, coupée du monde pendant trop longtemps. Chaînes dont elle ne peut se défaire. Ironique quand on sait qu’elle a cherché la liberté toute sa vie, course qui a fini par la mener à sa perte semblerait-il. Devra-t-elle se battre le restant de ses jours pour que son amour envers sa jumelle soit reconnu? Peut-être. Sûrement. Elle s’en moque. On ne piétinera pas sur le lien qui les unissait. Et tous les sourcils arqués et les railleries sous-jacentes de la terre ne l’arrêteront pas dans sa défense. « Ne me provoquez pas. » Chuchotement, yeux assombris par une promesse de rétribution certaine. Unique avertissement qu’elle lui accordera. S’il veut jouer avec le feu, libre à lui de se brûler. Elle peut avoir de la compassion pour cet homme mais elle ne compte certainement pas le prendre avec des pincettes et le cajoler tel un fragile parchemin. Il a beau saigner, elle saigne aussi et elle ne compte pas jouer les martyrs pour soulager quelque peu celui qui se dresse comme un ennemi. Une détermination qui n’est accueillie qu’avec un silence chargé, nicotine flottant à nouveau dans l’air.      

Deuxième vague. Venin. Mots acides, corrosifs, qui transpercent, qui brûlent et qui sont remplis de cette amère vérité avec laquelle elle tente de vivre. Le sol se dérobe doucement sous ses pieds. Oh Maureen. Que doit-elle penser du haut de ses nuages? C’est le portrait d’une famille en morceaux qui se dresse face à elle. Un portrait qu’elle vit comme une gifle. Elle n’est pourtant pas ignorante de la situation, regards tristes et traits tirés les constantes chez ses parents quand on mentionne les petits. Elle sait que les choses sont chaotiques, que personne dans cette maison s’est remis ne serait-ce qu’un peu de la perte de Maureen. Mais rien n’aurait pu atténuer la douleur face au constat catastrophique qu’on lui sert. Envie de se défendre. De dire qu’elle n’est pas détachée au point d’ignorer le nom de ses neveux et nièces. Qu’elle a retenu chaque mot écrit par Maureen, nuits blanches à relire les pages, retrouver l’espace d’une seconde sa jumelle. Que les lettres sont tachetées désormais, humidité imprimée ça et là des rivières coulées sur ses joues. Qu’elle a passé de longs après-midis avec sa famille, observant les photos, écoutant quelques histoires qui parvenaient à leur terme sans que la peine soit trop grande. Mais tout se mélange, gorge nouée. Elle ne peut qu’écouter les questions sans fin de Niall, les accusations à peine voilées, coeur poignardé encore et encore. La pense-t-il si insensible? Croit-il qu’elle ignore ce que sa vue pourrait causer aux enfants? Ce n’est pas que lui qu’elle appréhende de voir. Certainement pas. Lui, il peut faire la différence et tenir le choc. Pas les petits. Une discussion qu’elle aurait voulu avoir avec lui, suivre leur tempo et les épargner tant bien que mal. Elle n’est pas mère. Elle ne prétend pas l’être. Elle est même convaincue qu’elle n’est pas taillée pour pareille responsabilité. Mais elle est prête à donner tout ce qu’elle a pour assurer que les enfants de Maureen soient heureux, prête à laisser Niall dicter le quoi et le comment. Une discussion qui n’aura pas lieu. Pas aujourd’hui. Peut-être jamais. Tout s’enchaîne. Il s’approche, lui et ses attaques, lui et ses blessures et elle veut courir. Loin. Si loin. Mais elle est incapable de bouger, forces absentes. Biche prise dans ses phares sombres. « T’es peut-être pas un monstre comme tu dis. Mais ils ne sont pas prêts. Je ne suis pas prêt. » Elle rirait si elle n’avait pas envie de hurler. Parce qu’il pense qu’elle est prête? Elle bascule.  

Trop. Tout est trop. Lui, ses reproches, ses questions, absence de sa jumelle palpable comme rarement. Sous son regard intransigeant, elle étouffe. Fuir. Disparaître. Tourner les talons et ne jamais arrêter sa course. Tout plutôt que d’être ici, à cet instant, face à cet homme à la vie brisée, l’exemple le plus probant de la dévastation qui a suivi le départ de sa soeur. Animal blessé, animal cerné. Et elle explose. « Je ne suis pas Maureen! Jamais je ne le serai! Je ne veux pas la remplacer! » Cri de l’âme. Voix où la rage et le deuil s’entrechoquent, fracture de la frêle tenue maintenue. Comprend-t-il seulement ce qu’il insinue? Voit-il, ne serait-ce qu’un peu, que Sorcha n’est qu’une version incomplète, pièce du puzzle cruellement manquante? Ou est-il si plongé dans son deuil et sa peine qu’il ne peut imaginer qu’elle est blessée également? N’a-t-elle pas le droit d’être humaine? Proximité qui la brûle, elle se dresse, tendue comme un ressort. Masque jeté au loin. « Mon propre reflet me hante. Je lutte constamment pour me rappeler que je suis réelle, que je ne suis pas qu’un fantôme de ma soeur. Une illusion venue torturer tous ceux qui l’ont connu. Que j’ai le droit d’être en vie et non six pieds sous terre avec elle. Vous… » Poing serré. Mots presque crachés, voix au timbre instable, sanglots mort-nés dissimulés dans chaque inspiration. L’espace d’un instant, d’un terrible instant, elle souhaite marquer de sa main ce visage soudainement haï de tout son être. Laisser un souvenir physique de la tornade noire qu’il réveille en elle. Sombre envie qui l’horrifiera plus tard, une fois qu’elle sera loin, délivrée de cette confrontation. Elle a toujours été calme. Raisonnable. Tempérée. Compréhensive. Jamais elle n’a été si proche de l’abîme, sang froid évaporé sous la lave de sa fureur, peine et culpabilité masquées par une coulée de rage. Plus rien ne compte, plus rien à part de faire comprendre à cet étranger qu’il n’a pas le monopole de la souffrance. Qu’il n’est pas le seul à pouvoir se laisser porter par le deuil.

Sorcha montre les crocs. Voix forte, agressive et si meurtrie. Il veut du conflit, il en aura. « Votre famille est la seule chose qui reste d’elle, la seule chose qui compte pour elle. Et plutôt la rejoindre dans la tombe que de laisser le navire couler, vous m’entendez?! Je n’ai que faire de votre orgueil ou de votre honneur mal placé. Je ne peux pas rester les bras croisés! Pas après ce que vous venez de dire! » Respiration agitée, pupilles noires noyant le bleu de ses yeux. Elle est hors d’elle, hors de tout. Sa promesse comme seul angle de vue, elle refuse de se faire mettre de côté. « Vous n’êtes pas le seul à la pleurer! Vous n’êtes pas le seul à venir ici dans l’espoir de la sentir à nouveau près de vous! » Humidité sur la joue, provenance inconnue. Elle s’en moque. Trop centrée sur sa propre rage à déverser, elle ignore la larme qui parvient à s’échapper dans son chaos. Inconsciente de son existence. « Son visage hantera pour toujours mes cauchemars, endormie à jamais dans ce stupide cercueil. » Un aveu murmuré, voix soudainement fragile. Mais elle ne détourne pas le regard. Elle veut qu’il puisse lire sa peine, qu’il n’échappe pas à la vue de ses blessures. « Alors je ne sais pas qu’elle est ma place dans tout ça. Je ne sais pas comment je vais m’y prendre. Mais vous allez recevoir mon aide, que vous le vouliez ou non. » Colère teinte ses mots, furieuse de la tournure des événements. Sa partie stable, rationnelle et infiniment plus sage est consciente de la catastrophe. Les voilà à se cracher au visage plutôt qu’à tenter de trouver un semblant de dialogue, deux êtres dont le deuil éloigne et rapproche de manière paradoxale et douloureuse. « Est-ce si difficile à comprendre que je ne vous veux aucun mal? Que la dernière chose que je souhaite est de faire du tort aux enfants? Mais non, c’est bien plus simple de me détester, n’est-ce pas? Parce que moi je suis en vie et non Maureen. » Rire creux, nerveux, amer, au goût du sang et du sel. Rire où on entend les pleurs qu’elle refuse de libérer.

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Sorcha & Niall
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Sans doute qu’il ne serait jamais prêt. Peut-être jamais, jamais il ne pourrait réussir à lui ouvrir les bras et l’inviter à vivre dans sa vie. Il était abject, un personnage qu’il aurait voulu gifler lui-même, mais le rejet était son seul moyen de se protéger. Il ne voyait que ça pour la tenir à l’écart et ne pas blesser… Ne pas blesser qui ? Lui. Uniquement lui. Les petits avaient une faculté d’adaptation énorme, il le savait, il les élevait seul désormais. Il savait parfaitement Niall qu’ils pourraient comprendre et passer au-dessus après avoir compris qu’elle n’était pas leur mère. Mais lui, lui… Simplement il n’était pas prêt à la voir évoluer dans l’environnement familier, pas dans sa grotte, dans sa maison, dans le seul endroit où Maureen avait évolué durant tant de temps. Il aurait l’impression de la voir… Il ne voulait pas. Il ne pouvait pas. « Je ne suis pas Maureen ! Jamais je ne le serai ! Je ne veux pas la remplacer ! » Cri du cœur qu’elle ne prend même pas la peine de dissimuler et Niall, si proche, il le voit, il voit bien la tempête dans ses yeux, une douleur qu’il avait déjà aperçue dans le miroir et ses billes brunes s’écarquille un peu. Non, elle ne le sera jamais. Mais il s’en rendait compte juste maintenant. Comme une gifle froide qu’il prend sans que sa main se lève. Il se rend compte de l’horrible situation, de l’horrible sensation au fur et à mesure de ce qu’elle dit. Elle était juste elle. Mais Niall était incapable de la voir comme elle se présentait. « Mon propre reflet me hante. Je lutte constamment pour me rappeler que je suis réelle, que je ne suis pas qu’un fantôme de ma soeur. Une illusion venue torturer tous ceux qui l’ont connu. Que j’ai le droit d’être en vie et non six pieds sous terre avec elle ! Vous… » Il n’avait pas dit qu’elle n’avait pas le droit de vivre, de fouler la terre alors que Maureen ne le pouvait plus. Il avait fait cet effort de retenir ce soupir avec le prénom de Maureen quand il l’avait vu. Il l’avait de suite considéré comme la personne qu’elle était Sorcha. Et c’est ça qui avait blessé l’animal plus qu’il l’était. Il avait toujours su qu’indéniablement, elle viendrait, qu’elle serait quelqu’un d’autre que Maureen. Mais il n’avait jamais voulu croire que ça serait si rapidement. Et comme il l’avait dit, le pansement était difficile à arracher.

Mais cette femme si dénuée d’émotions précédemment, douce et sans doute compatissante, il l’avait poussé à bout et Niall s’en rendait bien compte. Il avait fait exploser un deuil de plus, alors qui préférait tenter de faire taire le sien, tenté de l’étouffer en lui trouvant tous les défauts du monde. « Votre famille est la seule chose qui reste d’elle, la seule chose qui compte pour elle. Et plutôt la rejoindre dans la tombe que de laisser le navire couler, vous m’entendez ?! Je n’ai que faire de votre orgueil ou de votre honneur mal placé. Je ne peux pas rester les bras croisés ! Pas après ce que vous venez de dire ! » Il est piqué au vif. Oui, les petits n’allaient pas, mais rien ne coulait. Tout allait bien. C’était difficile, ça le serait toujours. L’homme est piqué, on le penserait incapable de réussir à tenir sa famille seul ? Il esquisse un mouvement pour reculer. Il allait lui cracher que si elle voulait s’occuper d’une famille, elle n’avait qu’à la fonder et de le laisser tranquille. « Vous n’êtes pas le seul à la pleurer ! Vous n’êtes pas le seul à venir ici dans l’espoir de la sentir à nouveau près de vous ! » Et sa voix saccadée le fait reposer ses yeux dans les siens. Elle pleurait et ne semblait pas s’en rendre compte. Non, c’est vrai, Niall n’était pas le seul à pleurer, il y avait eu huit petites paires d’yeux. Les parents Howell, d’autres personnes. Mais ils étaient une douzaine à vraiment la pleurer, à vraiment avoir envie qu’elle soit de nouveau là. « Son visage hantera pour toujours mes cauchemars, endormis à jamais dans ce stupide cercueil. » Et il se retourne fasse à elle, passant une main sur son visage après son murmure étranglé. « Toi… » Elle avait été là. On ne peut pas s’imaginer le visage d’un proche, pas dans la mort, si on ne le voit pas de ses yeux, car l’imaginaire ne peut s’imaginer l’insupportable. Niall ne l’avait pas imaginé, car il l’avait tant aimé que pour lui, Maureen était immortelle ou bien qu’il partirait avant sa blonde. Il n’avait pu s’en détacher la nuit d’avant l’enterrement, à poser des fleurs dans ses cheveux à murmurer tout ce qu’il n’aurait plus jamais l’occasion de lui dire. Mais elle… Elle était venue sans que personne ne la voie. « Alors, je ne sais pas qu’elle est ma place dans tout ça. Je ne sais pas comment je vais m’y prendre. Mais vous allez recevoir mon aide, que vous le vouliez ou non. » Elle n’avait pas de place. Aucune. Nada. Même si elle avait raison. Comment s’y prendre quand on a pas de place ? Il fallait déjà que Niall soit prêt à lui en trouver une. Il était tout bonnement incapable d’avoir une réponse à cette question silencieuse. Sa place ? Son aide ? Ce n’était pas un mendiant. Il ne voulait pas dépendre de quelqu’un, ne pas recevoir de l’argent d’autre. Parfois il demandait de l’aide à Sigrid, à ses parents, mais jamais il n’avait dit aux Howell qu’il avait des problèmes. Et il maudit ce foutu téléphone moldue que sa mère aime tant. Sans doute que les deux grands-mères sont en contact quotidien pour obtenir des nouvelles de petits enfants que Niall avait été incapable de leur amené à cause du travail. « Est-ce si difficile à comprendre que je ne vous veux aucun mal ? Que la dernière chose que je souhaite est de faire du tort aux enfants ? Mais non, c’est bien plus simple de me détester, n’est-ce pas ? Parce que moi je suis en vie et non Maureen. » Et elle rit, ce genre de rire nerveux qui cache bien plus qu’on ne veut le croire. La tristesse est cachée dans le fond de sa gorge, il n’en doute pas.

Pourtant, l’Irlandais lui attrape un poignet, avant de tonner. « Tais-toi. » Sombre et peut-être tout aussi éteint qu’elle l’était. Il était en colère contre ce qu’elle venait de dire. La détester parce qu’elle était en vie et pas Maureen. « Tu peux croire que je suis le pire des mecs sur Terre, mais jamais... Jamais. Tu ne rediras devant moi que j’te déteste pas que t’es en vie. » Parce qu’il ne la déteste pas. Elle le met à mal, elle le rend faible, elle le fait penser que Maureen n’a pas eu assez de temps avec lui. Elle ne leur veut pas de mal, mais malgré elle, elle faisait du mal pour ce qu’elle représentait. Et il avait compris, qu’elle ne serait pas Maureen, qu’elle ne le saurait jamais. « Ta vie valait bien plus que la sienne à ses yeux. Nos vies valaient plus que la sienne à ses yeux. » Et il est coupable, il sait qu’il est coupable, car il n’a pas su l’arrêté pour cette dernière folie que de mettre au monde les jumelles. « La vie de n’importe qui valait plus que la sienne pour elle. » Parce que Maureen était médicomage, même si elle était spécialisée dans le Quidditch. Elle avait promis de protéger des gens, elle avait promis de les sauver. Et au  détriment de sa propre vie, elle avait voulu une famille, elle avait voulu qu’il profite des joies d’être père. Elle n’avait pas vu ôter la vie à deux embryons alors qu’elle savait que ça allait mal finir. Il n’avait pas été assez fort pour s’opposer à son choix. Et il souffle, la voix étranglée. « Tu pleures d’être comme elle, de faire souffrir les autres sans jamais le vouloir… sans doute. Mais tu ne comprendras jamais ce que c’est d’avoir été impossible de la sauver. » S’il avait été plus fort, s’il avait été plus ferme. « Tu ne sauras jamais ce que c’est d’être celui qui lui a fait des enfants au point qu’elle refuse d’en avorter. » Parce qu’elle l’aimait, lui et les petits qu’elle avait portés. Sa voix n’est qu’il filet de paroles, de murmures, qui font mal à son cœur qui saigne et à une larme qui s’échappe aussi de sa joue. « Ce n’est pas ta faute si elle est morte. » C’était lui. C’était uniquement lui. C’était sa faute. S’ils avaient eu ce premier enfant, sans cette fausse couche, un seul aurait été suffisant. Un seul et ils auraient pu être heureux. Mais la médicomagie, les soins expérimentaux. Il ferme les yeux, en marmonnant en gaélique. « Ce n’est pas la faute de Aisling, ni Roisin. » Comme pour l’assurer qu’il ne détestait pas les deux dernières. « C’est parce que je n’ai pas été assez fort pour lui enlever cette putain d’idée de la tête. » Cette idée d’avoir une famille rien qu’à eux, une belle famille qui s’était avérée être plus grande que prévu. Il ne voulait pas de son aide, car Niall refusait d’entrainer quelqu’un d’autre dans une chute. Il lâche son poignet et s’écarte pour rallumer une troisième cigarette et taper du pied dans un contenant plastique qui traine sur le sol. Les mains dans les poches, la clope au bec et de dos, il ne pleurait pas devant elle. Il avait tout de même un peu de cette fierté mal placée. Celle dont elle avait parlé plutôt. Mais quand il sort ses mains de ses poches, il détache cette chaine qui trône autour de son cou depuis un an et regarde l’anneau entre ses doigts, avant de ressaisir sa main et de lui donner. « J’suis pas capable de trouver une place pour ton aide, pas capable d’entrainer quelqu’un dans c’bordel. » Souffle-t-il. « Parce que si y t’arrives un truc, n’importe quoi… Je me ferais buter de l’autre côté par elle. Alors, tu prends ça. Tu le prends, comme tu veux, comme un serment, une promesse ou je sais pas quoi. Mais là, je suis pas prêt. »


(c) élissan.


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time is always too short for those who need it, but for those who love, it lasts forever
Le soleil semble se moquer de leur peine, rayons lumineux en contraste aux nuages qui les tourmentent. Explosion douloureuse où elle dit des choses. Trop de choses. Impression de trop se dévoiler, aveux qu’elle a du mal à faire ne serait-ce qu’à elle-même. Pourtant son âme hurle sans qu’elle puisse la retenir. Envie inconsciente de montrer qu’elle est humaine. Qu’elle souffre. Mots coulent et c’est à son tour de frapper. Explosion au goût libérateur. Explosion qui semble emporter un peu de l’hostilité ambiante. Pudeur s’horrifie dans un coin de son esprit. Elle déteste montrer ses sentiments de manière aussi brute, aussi incontrôlée. Elle déteste paraître aussi vulnérable, aussi instable dans son chagrin. C’est une femme de tête et non de coeur. Le coeur, les émotions, c’était Maureen. C’est ce qu’elle s’est toujours dit. Tu ne t’es jamais donné une chance Sorcha. Phrase qui la hantera cette nuit, quand le sommeil préférera s’éclipser face aux souvenirs de cette douleurs rencontre. Quand elle se demandera d’où est venue toute cette rage, toutes ces larmes. Quand elle se demandera si elle a réellement accepté le décès de sa jumelle.

Tout se termine avec une chaleur étrangère sur son poignet. Poigne ferme, instinctive, ancre étrange qui la tire hors de sa tempête. Envie de se débattre. Instincts stoppés par la larme écrasée contre la peau. Elle pleure. Fait qui la déstabilise mais qu’elle masque dans un regard dur envers l’ordre de Niall. Un regard qui perd de son feu au fur et à mesure de ses mots. « Ta vie valait bien plus que la sienne à ses yeux. Nos vies valaient plus que la sienne à ses yeux. » Une vérité élémentaire. Si élémentaire qu’elle en devient frustrante, envie de donner un sermon bien senti à l’altruiste de sa soeur. « Je… » Quoi dire. Quoi dire qu’il ne sache pas déjà. Un secret. Pensées qui la tourment parfois, où Maureen a tellement perdu, tandis qu’elle…que laisserait-elle derrière si son jour venait? Du papier. Du papier certes important, certes rempli d’informations utiles, mais cela ne reste que du papier. Et elle n’est pas la seule à s’en vouloir. Elle souhaite un échange, lui souhaite un retour en arrière. Récrire une partie de leur histoire.

« Non. » Un chuchotement. Non, il ne peut pas faire cela. Car changer ce qui s’est passé, c’est changer Maureen. Souhaiter qu’elle soit quelqu’un qu’elle n’a jamais été. Colère sourde s’éveille. Un peu. Assez pour qu’elle s’oppose à sa vision des choses. Suffisamment peu pour qu’elle sache qu’il ne sait pas ce qu’il dit. Pas réellement. Il cherche simplement une solution qui aurait sauvé Maureen. Une solution, elle le sait, qui n’existe pas. « Non. » La voix s’élève, plus résolue, plus ferme. Ton qui n’accepte pas la discussion. « Maureen…elle était têtue. Si têtue. Une fois une idée en tête…c’était terminé. Rien ni personne n’aurait pu l’arrêter. Cela a toujours été ainsi » On a toujours été ainsi. Caractéristique partagée chez les jumelles Howell, ténacité inépuisable chez l’une et chez l’autre. C’est peut-être pour cela que Maureen était autant blessée par le départ de sa soeur. Car elle savait qu’elle ne pourrait pas changer sa route, bataille perdue avant même de tenter de la mener. Et des années plus tard, cette même ténacité a pris les reines dans la vie de sa soeur. Et Niall avait beau être son mari, il n’aurait pas pu vaincre le mur de détermination qu’était Maureen. Sorcha elle-même n’aurait pas pu alors qu’elle possédait le même. « Vous n’êtes pas responsable. Personne ne l’est. » Il serait si simple de trouver un coupable. Quelqu’un sur qui accrocher l’impossible fardeau qu’est de perdre Maureen. Personne invisible, inexistante, un mirage qu’il est inutile de poursuivre. Et elle a beau être blessée par cet homme et ses mots, elle refuse de le laisser croire que son raisonnement est correct. Qu’il est effectivement une force active dans le décès de sa femme. Culpabilité du survivant. Culpabilité qu’elle connaît. Pas au même degré, jamais au même degré, mais la sympathie est là. « Ses enfants, vos enfants, étaient le centre de son monde. Jamais elle n’aurait pu…pas en restant elle-même. » Elle aimerait pouvoir lui faire comprendre. Lui dire qu’elle avait beau être succincte, chaque mot écrit sur eux brillait d’amour. Lui dire que cette lumière, Maureen l’avait accueilli au plus profond de son coeur, jamais elle n’aurait pu la refuser. Pas même pour sauver sa vie. Il se détourne, troisième tige collée aux lèvres. Distance salvatrice mais amère. Mains s’agitent, larmes chassées à la hâte, tentative de reprendre le dessus sur ses émotions. Regard reste fixe sur cet homme qu’elle ne parvient pas à cerner. Pas complètement. Pas suffisamment pour réellement communiquer avec lui. Ils restent donc ainsi, chacun dans sa peine, chacun de son côté de cette entrée de cimetière. Une part d’elle est soulagée, une autre aimerait lui donner un peu de chaleur. Une main amicale pour lui montrer qu’il n’est pas forcé d’être seul. Mais elle sait qu’elle n’est pas la bienvenue. Et elle ignore à quel point elle veut avoir contact avec lui.

Sa main s’approche pourtant à nouveau. Le froid du métal la surprend. Ses yeux fixent surpris la chaîne et l’anneau niché au centre. Déroutée, elle tente de comprendre. Comprendre cette drôle de…promesse? Qu’espère-t-il? Pouvoir corrompre sa volonté en sacrifiant un objet d’une telle valeur? Est-elle donc si effrayante qu’il est prêt à se séparer de pareille relique? « J’y suis déjà. » Voix résolue, sa paume reste ouverte, doigts luttant contre l’envie de serrer le métal, serrer ce symbole du coeur de sa soeur. « Ce bordel comme vous dîtes, je suis déjà dedans. Et le même destin m’attend si quelque chose vous arrive, n’en doutez pas un instant. » Elle en est profondément convaincue. Maureen ne lui pardonnera jamais d’abandonner sa famille, de ne pas prendre soin d’eux. Elle sait qu’elle lui pardonne son attitude envers elle mais une différente chanson l’attend si elle fait de même avec les siens. Il l’a dit lui-même, elle a toujours placé les autres au-dessus, pardon bien plus difficile si cela concerne ceux qu’elle aime. Elle la voit, mains sur les hanches et regard aux mille et une promesses de rétribution. Comme le soleil, lumineuse mais également brûlante, jamais une sage décision de se la mettre à dos. Ne t’avise pas de le laisser gagner. Echo de sa voix résonne dans sa tête. « Je ne vais pas baisser les bras…Niall. Je ne vais pas disparaître sans me battre. » Le prénom lui coûte mais elle ne tient pas à le mettre volontairement mal-à-l’aise. Emotions assez fortes, conversation drainante, envie d’arrondir un des milliers d’angles acérés qui lui font face. Résolution dans ses mots cependant, lumière quelque peu revenue dans le regard. Affirmation autant pour lui que pour elle. Elle ignore cependant comment faire. Comment percer la muraille, comment obtenir audience. Une vraie, non une volée au hasard, où ils ne semblent capables que de s’opposer et se faire du mal. Elle suppose qu’elle ne trouvera pas réponses à ses questions aujourd’hui. Niall est trop braqué, elle aussi. Larmes trop fraîches.

Un rayon illumine brièvement la bague, lumière jouant de ses reflets. Billes bleues observent l’objet. Simple. Maureen n’aurait pas voulu autrement. La coquette de la famille, c’est Sorcha. Une élégance se dégage pourtant de l’objet, simplicité masquant la beauté du travail du bijoutier. Une bague qui lui correspond, elle peut imaginer sans mal le doigt de sa jumelle la porter fièrement. Elle ignore tout de son histoire, des anecdotes que cache cette simple alliance. Pas la personne qui lui fait face. « Je ne peux pas vous enlever ceci. » Une évidence. Mots bien plus doux que tout ce qu’elle a pu dire jusqu’à maintenant. « C’est entre vous deux, cela restera entre vous deux. J’ai mes propres souvenirs avec elle, mes propres talismans. Je ne peux pas vous priver du votre. » Sa main retrouve la sienne, repose entre ses doigts ce qu’il n’aurait jamais dû enlever. Fantôme d’une caresse qu’elle n’ose pas assumer, donner vie. Peur de déclencher une nouvelle vague de douleur, d’amertume. Peur qui n’atteint pas ses yeux, compassion et compréhension dans l’azur affaibli par sa propre tristesse. Elle sait qu’elle serait incapable de donner certaines choses de Maureen. Le vieux ruban décorant sa tresse lors des récitals du village. Leur photo au phare ce dernier été passé ensemble. L’horrible pull qu’elle s’était mise en tête de tricoter. Toutes leurs lettres. Symboles de leur histoire, souvenirs aux airs de bouées auxquelles s’accrocher quand le deuil serre ses entrailles. Elle ne peut imaginer donner un d’entre eux, donc comment accepter ce que Niall a mis brièvement entre ses doigts? Accepter ce symbole de leur mariage, de leur amour? Jamais elle ne pourra enlever pareil trésor à qui que ce soit. Encore moins au mari de sa soeur.

Elle pose ses yeux à nouveau sur les orbes sombres. Sombres et brillantes mais elle tait ce détail. Pudeur dans son cas, fierté de l’autre sans doute. Goût d’inachevé, goût de défaite. Elle ne sait pas réellement avec quoi elle repart aujourd’hui, tornade d’émotions encore trop proche pour réellement constater les dégâts. « Je suppose qu’on a dit ce qu’on avait à dire. » Déception à peine dissimulée. Douleur creuse et impression d’avoir tout raté. « Ce n’est qu’un au revoir cependant. » Promesse ou menace? Difficile à dire. Mais elle peut affirmer sans le moindre mal qu’il ne s’agit que du prologue, affaire loin d’être terminée. « Prenez soin de vous Niall. » Sincérité dans ses derniers mots. Elle ne peut que constater les faits: cet homme est au plus mal. Et malgré toutes les horreurs jetées au visage, elle s’inquiète. Ridicule chuchote la partie la plus sombre de son esprit, léchant encore les plaies ouvertes. Soupir fatigué, elle se détourne doucement, ses pas le seul bruit dans le silence soudain qui les entoure. Départ lent. Regard baisé, mains agrippées au sac, image de la défaite. Crainte d’avoir brisé sa seule chance d’honorer sa promesse.

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